HRTout part toujours du client. Si le client n’achète pas, l’entreprise meurt. Par conséquent, il faut repartir de la valeur d’un produit ou d’un service, pour un client. Si un produit ou service ne produit pas suffisamment de valeur pour un client, le produit ne se vend pas. Voici ma proposition de prisme de lecture, qui dépasse la notion de fabrication.
Je définis six axes de valeur client. Chacun de ces axes a des particularités et a ses propres leviers, qui doivent être actionnés pour délivrer la valeur attendue par un client. A chacun de ces axes, on peut associer un critère de pondération, reflétant l’importance de l’axe en question pour un individu ou groupe d’individus donnés. Ces coefficients de pondération peuvent dépendre d’éléments culturels, générationnels, communautaires, issus de l’éducation,
Les six axes de la Valeur Client
Le Besoin Concret
Le client exprime, plus ou moins clairement, son besoin. On retrouve ici en général des informations relatives à des produits ou services. C’est, historiquement, ce que nos entreprises veulent vendre ; « la case » dans laquelle une entreprise tente de faire rentrer son client. Typiquement : « Je veux une assurance vie ».
Le Besoin Aspirationnel
Ce besoin est parfois exprimé par le client, parfois non. Ce besoin peut même ne pas être conscient chez le client : « Je veux que mes enfants puissent payer leurs études même s’il m’arrive malheur ».
Le Besoin Émotionnel
Il est rare que ce besoin soit exprimé avant un rendez-vous. Toutefois après un rendez-vous, il nous ait tous arrivé de nous dire « non, je ne vais pas chez lui, il ne m’inspire pas confiance ». Cela vient du fait que nous avons une attente, en tant que client, de pouvoir établir un lien empathique avec le vendeur ou avec une marque. Si ce lien ne s’établit pas, une vente peut ainsi ne pas avoir lieu. Bien souvent et à minima, ce besoin émotionnel se rapproche de trois moteurs : la séduction, l’appartenance et la crainte. Le client cherche souvent à se sentir chavirer, ou à se sentir membre d’une communauté particulière, ou encore à se sentir rassuré(e) par rapport à son apparence ou sa connaissance.Cet axe connaît une transformation majeure avec la transformation digitale que nous connaissons. Sur internet, loin de disparaître, le lien empathique demeure important en ligne. Les effets visuels du site, les échanges par tchat, les témoignages et avis d’autres clients, la clarté de la promesse de valeur, la présentation de l’équipe, … tous ces « signaux faibles » contribuent à produire un effet émotionnel qui peut encourager ou décourager la vente. Les avis clients sont aussi un facteur de décision d’achat considérable, chiffré sept fois plus efficace qu’une publicité. Les startups ont souvent bien intégré ce besoin, et acquièrent assez vite un capital sympathie auprès de leurs premiers clients.
Le Besoin Temporel
Ce besoin est très concret : le client qui vient pour acheter a une attente implicite que cette vente se passe de manière fluide est simple, sans traîner en longueur. Il arrive que nous ayons le temps de discuter de tout et de rien, ou que nous prenions le temps de passer quelques dizaines de minutes avec un vendeur, mais, en règle générale, nous avons une limite, claire ou non.Certains processus de vente, parce que trop long, sont ainsi avortés par le client. Les néobanques surfent sur ce type d’avantages concurrentiels.
Le Besoin de Confort
Un autre besoin très concret est le degré de confort auquel on s’attend. Personne n’imagine acheter un produit de luxe dans un hangar délabré et malodorant. Il en va de même en ligne : un site obsolète rebutera l’acheteur ; des fonctionnalités peu accessibles ou une hotline injoignable déclencheront un rejet. Ce besoin n’est pas directement corrélé au produit, toutefois il l’est indirectement ; c’est un besoin de trouver un contexte raccord avec le produit acheté.
Le Besoin d’Ethique
Ce besoin est peut-être lié à des phénomènes de mode ; mais dans les années à venir, il me semble que ce besoin deviendra de plus en plus important. 100% des jeunes de moins de trente ans choisissent leur employeur en prenant en compte ce critère : s’ils ne cautionnent pas les valeurs de l’entreprises, ils n’y font pas carrière. A mon sens, la pondération de ce critère de sélection d’un produit ou service va croître d’année en année : c’est là que se retrouvent les enjeux écologiques et sociologiques que nous devrons résoudre. Ce point me donne l’espoir que le monde peut changer en bien. Avec l’abondance d’information, nous pouvons espérer dénicher les produits ou services qui sont fabriqués en respects de nos valeurs morales. Qui n’a pas acheté bio au moins une fois simplement pour contribuer à financer la filière ?
Transformation du Capitalisme
La nouvelle matrice (à retrouver dans le 1er article de Cédric Coiquaud) permet de réintégrer des concepts moraux et éthiques au sein même de la chaîne de valeur d’un produit ou service. Ceci est fondamental pour commencer à changer toute la conception de nos produits et services. Les réflexions en cours sur les Parcours Clients commencent à ouvrir le débat sur ces nouveaux sujets, même si les grands groupes restent encore trop souvent centrés sur leurs gammes de produits et leur nécessité de réaliser davantage de ventes croisées.
Les 6 besoins complémentaires font partie intégrante de ce à quoi les entreprises doivent répondre, si elles veulent continuer de vendre. Et l’on note déjà des écarts grandissants, dans les grands groupes, entre la perception des acteurs de la vente et celle des clients finaux. Ainsi des commerciaux peuvent avoir l’impression, justifiée (95% d’adéquation), que leur produit répond très bien au besoin concret explicité par le client, et pourtant la vente ne se fait pas ou de façon mitigée.
L’explication de cet écart de perception se trouve dans la réponse apportée aux autres besoins. Pendant le rendez-vous ou l’échange digital, Winston a répondu à toutes ses questions : « Non, je ne suis pas sûr que mes enfants aient accès facilement à cet argent » ; « Il va me falloir deux rendez-vous d’une heure pour obtenir ce produit, je n’en ai pas envie » ; « Cette marque ne m’inspire pas confiance, elle a trempé dans des trucs pas nets ». Winston donne donc un score cumulé de 50% : il hésite.
Ce ressenti client est directement lié au NPS (Net Promoter Score), et l’acte d’achat est l’un de ces moments de vérités qui définissent de façon durable un ressenti client. « On n’a qu’une chance de faire une bonne première impression » : cet adage est vrai aussi pour les entreprises face à leurs clients.
La réussite des programmes actuels des grands groupes sur leurs Parcours Clients sera essentiellement fondée sur la bonne intégration de l’ensemble de ces besoins, pour une amélioration effective de leurs NPS. Un NPS élevé est corrélé à une meilleure croissance de l’entreprise, jusqu’à deux fois meilleure !
Le meilleur moment pour générer du buzz positif sur son entreprise, c’est un moment de vérité réussi. Un moment de vérité réussi, c’est précisément un rendez-vous client auquel la marque répond bien sur toutes les dimensions de la Valeur Client.
Il me semble que les jeunes générations, qui commencent à travailler, ont un coefficient très fort sur le volet des valeurs éthiques et morales. Je crois que ce phénomène sociétal, concomitant avec l’urgence écologique et sociale que nous connaissons, a le pouvoir de changer le monde. De nouveaux défis nous attendent, notamment pour faire face à l’afflux d’informations contradictoires sur les sujets d’empreintes carbones, d’écologie ou de « recyclabilité » de produits.
L’émergence d’un marché du pair-à-pair, qui devrait atteindre 300 Mds € d’ici 2025 selon Bercy, même s’il cherche encore parfois sa rentabilité, témoigne également de cette volonté collective d’aller vers des organisations décentralisées, et plus respectueuses des circuits courts et des valeurs écologiques et inclusives. Je suis heureux de contribuer à cette mouvance.